Carnets de grenier

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dimanche 21 février 2010

M.C.

Tant qu'y a du gazon, ça joue.

Ah la beauté sournoise ! La petite chose aux yeux bleus rayonnants, sans effets ni fanfreluches l'avait bien saisi par les couilles. Il n'avait pas eu même le temps de l'entreprendre, ni de savoir quelle occulte qualité en elle l'attirait, mais sitôt la nouvelle de son engagement découverte, il se maudissait d'avoir perdu son temps à soupeser ses raisons. Bras ballants, vit enflé, tête encombrée : le beau tableau clinique du pucelage, avec dix années de retard. Il avait du même coup un prétexte commode pour justifier ses moroses jongleries, et il s'y adonna bientôt sans mauvaise conscience.

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mercredi 6 janvier 2010

Usure

Fatty


« Quand donc le cocher, apercevant un objet digne d’amour […] celui des deux chevaux qui est docile aux rênes […] se contient pour ne pas assaillir le bien-aimé. Mais l’autre coursier n’est détourné ni par le fouet ni par l’aiguillon du cocher […] Quand arrive le terme convenu, comme ils font semblant d’oublier, il les rappelle à leur engagement, les violente, hennit, tire sur les guides et les oblige pour de mêmes propos à s’approcher du bien-aimé. Quand ils s’en sont approchés, il se penche sur lui, raidit sa queue, mord son frein et tire avec impudence sur les rênes. Frappé d’une émotion plus forte, le cocher alors se rejette en arrière comme s’il allait franchir la barrière, tire avec plus de vigueur le mors qui est aux dents du cheval emporté, ensanglante sa langue diffamatrice et ses mâchoires, fait toucher terre à ses jambes et sa croupe, et le livre aux douleurs. »
Platon , Phèdre, trad. M. Meunier, 254.


Elle était juste à la table à côté. Ses bras moelleux étiraient le tissage doux de son chemisier, et elle souriait sans conviction en parlant à une autre jeune fille assise en face d'elle. Ses cheveux blonds juvéniles, bien rangés, lui donnaient l'air d'une jolie petite ogresse.

Sa face épanouie était large et mobile, son sourire agréable. Il montrait que malgré toute cette chair qui l'encombrait, elle se savait désirable pour certains. Sa bouche fine et maussade trahissait pourtant qu'elle n'avait pas toujours accepté ce cul pesant et rond, sorte de lest monstrueux sur quoi se fondait sa stature ; mais elle redressait désormais les épaules en avançant sa poitrine épaisse.

Sa voix nerveuse lui parvenait en éclats indistincts, et il sentait, tout cela pesé, qu'elle se savait aimable parce qu'on l'avait aimé, sans doute avec cette sauvagerie qu'on réserve à celles qu'on saisit à pleines mains.

Elle se croyait avant cela disgraciée, et quand on l'avait prise sans ambages, après quelque stupeur, elle avait songé avec délice qu'on l'aimait malgré le tangage lourd de ses formes et l'enflure de ses cuisses blanches. Puis elle avait compris qu'on la désirait parce qu'elle était grosse, et si cela n'avait pas commencé par lui sembler déshonorant, elle savait maintenant qu'être aimé malgré, ou parce que, c'était le même pis-aller intolérable.

Quoique sa vie sexuelle fût désormais ouverte, et qu'on la devinait brutale, sans faux-semblants, elle avait conçu de cela quelque amertume, et rêvait sans doute, sous la couverture, à cette innocence supérieure, qui lui avait été ôtée tandis qu'un étranger lâchait, râlant, un peu de lui dans son ventre candide. Était-ce même arrivé en elle ? Tant d'artifices nous séparent de cette perspective au fond décevante, que cela même lui avait été probablement refusé.

Pourquoi cette liberté tant louée nous use-t-elle mieux que tous les maux que l'époque déplore ? Laissant là son verre, il sortit, fuma sa dernière cigarette, en pensant avec force à autre chose. Le soir était frais, les rues tranquilles ; puis le vin fit son office, et tout lui sembla enfin presque acceptable.

lundi 14 septembre 2009

France–Afrique du Sud


Rembrandt, Le Fils prodigue.


Au terme d'une soirée bien arrosée, une jeune fille, étudiante en anthropologie, dit vouloir faire un voyage à Johannesburg, « histoire de voir »… Outre Constant, sont présents F., qui se définit comme anarchiste, et dit « ne pas aimer la politique, sauf Noël Mamère » ; et K., pas très bavard, qui n'aime que les jeunes filles belges, mais pense « qu'on est tous pareils, et que les races, c'est de la connerie ».

La jeune fille : Maintenant les choses changent là-bas, ils appliquent la discrimination positive.


Les deux autres trouvent ça formidable, ils sont heureux. On dirait qu'ils l'ont décidée, cette discrimination. « Je m'en félicite », dirait un politique.

Constant : Deux injustices ne font pas une justice.

F., franchement irrité : Bon, ça va, arrête tes conneries. Tu vas dire que c'est normal ce qu'on a fait là-bas ?

C. : J'ai rien fait là-bas, ni vous non plus d'ailleurs.

F. : D'accord, ce que les blancs ont fait aux noirs, si tu veux jouer au petit malin. Tu trouves ça normal, tu vas dire que c'est l'Histoire encore, c'est bien ça ? Mais c'est une Histoire qui a à peine quinze ans. Les noirs doivent reprendre ce que les blancs leur ont pris.

C. : C'est vrai que c'est tout frais. Mais l'égalité dans la loi ayant été proclamée, il ne faut pas pour autant rendre coupable les jeunes nés de lignées de colons responsables de tous les maux de cette société, ni surtout de ceux causés par leurs ancêtres.

F. : Il faut bien que ça change non ? Alors il faut que les noirs prennent des postes de responsabilité. On enlève un blanc, on met un noir ; il faut qu'ils reprennent ce qui leur appartient, qu'ils redeviennent fiers de ce qu'ils sont.

C., badin : Il faut que les noirs prennent la place des blancs ? Mais tu as une vision raciste des choses.

F. explose : Et ce qui s'est passé avant, ce que les blancs leur ont fait, c'est pas du racisme peut-être !?


Le chœur reprend les bonnes paroles.

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dimanche 6 septembre 2009

Dialogue inter-ethnique

La solution.


À P., 22 h 30. M., bite-sur-pattes d'une amie un peu conne, mais peut-être gentille. Je crois qu'elle aime se faire taper dessus. Il lui faudrait un psychiatre — elle a préféré un arabe qui lui défonce le cul —, et sans doute aussi la gueule. Tout cela se déroule avec en gros plan sa face grimaçante de bougnoule-clochard atteint du syndrome du maître-du-monde-au-RMI, doublée de ce détestable et typique accent de hyène convulsive. Des efforts ont été faits afin de rendre l'ensemble des propos du personnage compréhensible.

M. (consonnance arabe) : C'est toi l'raciste ?

Constant : Je pense que c'est bien moi.

M. : Vas-y, c'est trop con. Pourquoi t'es raciste ? [Plus bas] On va parler doucement pour pas que les autres entendent.

C. : C'est ce qu'on dit de moi, je ne me présente pas comme ça. Regarde, je suis là, je ne suis pas parti, je te parle.

M. : Pourquoi t'es raciste ?

C. : Je suis réactionnaire.

M. : Vas-y, explique-moi.

C. : Je n'aime pas le monde de maintenant. Je pense que le monde était mieux autrefois.

M. : Autrefois, quand autrefois ?

C. : Dans l'Antiquité, à la Renaissance.

M., éructant : L'antiquité, la renaissance… toi t'étais où ? Toi, t'étais où ? T'es n'importe quoi. J'ai entendu parler de toi, on m'a dit : lui… mais toi t'es de la merde. T'es n'importe quoi. Pourquoi t'es raciste ?

C. : … Je n'aime pas quand on dit des gens des banlieues : « C'est pas de leur faute, ils ont beaucoup souffert. »

M., l'air de plus en plus mauvais : C'est n'importe quoi… [Me touchant le ventre] Tu manges des saucisses toute la journée, toute la journée… tu chies de la merde toute la journée…

C.  : T'es pédé en plus ?

M. : Vas-y, je veux pas te parler. Je suis foncedé.

[Le « dialogue » — terme journalistique pour parler d'agression non encore physique, quand c'est un arabe qui prend l'initiative — s'interrompt, et le sous-homme va baver à d'autres. Quelques minutes se passent.]

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vendredi 4 septembre 2009

Mort pour la néo France

Nouveaux Français


Soirée chez un ami, ancien militaire, pas croisé depuis des mois, à B.

Quand des mecs du RIMA se sont fait tuer il y a quelque temps, un mec a parlé à la télé, un mec du régiment, qui fait partie d'une certaine élite de l'armée française, qui est en ligne, et il a dit quelque chose qui m'a choqué.

On lui demandé quel était son sentiment après la mort de ses camarades, et il a répondu : « J'ai peur ». J'ai eu envie de lui dire : tu t'es trompé de métier, il fallait pas faire ça, fallait être boulanger, bosser dans un bureau…

S'en suit un bref silence.

Si moi j'ai quitté l'armée — ça va faire très vieux con ce que je te dis… — c'est que je voulais pas mourir pour des gens qui en ont rien à foutre, un président qui en a rien à foutre… une France… c'est plus ma France.

lundi 10 août 2009

Libations citoyennes, I : Tout est bien

Je suis un sot, et un bourgeois, il faut bien le confesser : la nuit, tristement, honteusement, j'aime dormir. Esclave d'études à présent terminées et inutiles, d'un travail épisodique et ingrat, je demeure dans mon isolement coupable. Pourtant, il suffit parfois d'un geste pour aller vers l'autre, ou du moins, pour le laisser venir à vous. J'ai passé le pas, enfin : j'ouvre la fenêtre.

Chasseur blanc, coeur noir

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samedi 18 juillet 2009

G. a de beaux yeux

Les noms de lieux, de personnes, de choses et de sentiments ont été modifiés afin de protéger la vie privée de mes personnages imaginaires.



©A.M. Kuchling, Hunting Artemis

Dernier jour à Poitiers avant mon départ estival pour Brest. Il fait chaud. Ma piaule minuscule est fumante de tabac fort et de sueur. C'est un remède peu couteux à l'ennui, une fois le plaisir des deux premières consommé, si bien que je finis par épuiser mes derniers brins de scaferlati. Pendant des heures, j'hésite à franchir ma porte, à descendre pour croiser cette faune puante et surtout bien pléthorique qui me contamine. Finalement, en fin d'après-midi, n'y tenant plus, je me rends à la civette toute proche. Cela fait, j'émiette le tabac frais et sombre entre les tiges rouges et brillantes de ma rouleuse, je me fais une clope bien droite, bien grosse, bien blanche, mais aérée quand même, comme je les aime, l'allume, et la fumant avec volupté, j'en finis du tour de bloc pour rentrer chez moi sans faire demi-tour.

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