Et sans arrêt la même antienne : Tout est différent, si différent… Il y a telle et telle chose ; ne confondons pas… Chacun se perd dans les nominalismes les plus enchevêtrés, au point de vouloir restituer en pensée l'étonnement du réel et laisser la théorie elle-même aussi interdite que la matière muette. Et pourtant… les mêmes qui s'esclaffent que tout n'est que cas particulier, nécessairement incommensurable à tout autre, se scandalisent aussitôt que telle chose distinguée plaît, que telle autre déplaît, et que, de fait, une hiérarchie éclot de la plus naturelle façon de leurs propres dires. Et ce n'est pas la contradiction qui les frappe ; c'est le fascisme latent dont est gros tout esprit critique, sitôt que l'on a vu qu'à vouloir séparer des choses, on court le risque de les classer.

Pour eux, il n'y a qu'un recourt : ne plus évaluer, ne plus apprécier, mourir comme la pierre… sauf s'il s'agit de haïr ce qui a commencé à juger d'abord. Double bénéfice : le mal étant déterminé, il suffit de voir à quoi il s'oppose, et le bien l'est du même coup. Je me méfie de la métaphysique, fut-elle nietzschéenne, mais ne s'agit-il pas là simplement de la définition même d'une morale réactive, du type d'homme réactif ?