France–Afrique du Sud
Par Constant le lundi 14 septembre 2009, 01:32 - Récit - Lien permanent
La jeune fille : Maintenant les choses changent là-bas, ils appliquent la discrimination positive.
Les deux autres trouvent ça formidable, ils sont heureux. On dirait qu'ils l'ont décidée, cette discrimination. « Je m'en félicite », dirait un politique.
Constant : Deux injustices ne font pas une justice.
F., franchement irrité : Bon, ça va, arrête tes conneries. Tu vas dire que c'est normal ce qu'on a fait là-bas ?
C. : J'ai rien fait là-bas, ni vous non plus d'ailleurs.
F. : D'accord, ce que les blancs ont fait aux noirs, si tu veux jouer au petit malin. Tu trouves ça normal, tu vas dire que c'est l'Histoire encore, c'est bien ça ? Mais c'est une Histoire qui a à peine quinze ans. Les noirs doivent reprendre ce que les blancs leur ont pris.
C. : C'est vrai que c'est tout frais. Mais l'égalité dans la loi ayant été proclamée, il ne faut pas pour autant rendre coupable les jeunes nés de lignées de colons responsables de tous les maux de cette société, ni surtout de ceux causés par leurs ancêtres.
F. : Il faut bien que ça change non ? Alors il faut que les noirs prennent des postes de responsabilité. On enlève un blanc, on met un noir ; il faut qu'ils reprennent ce qui leur appartient, qu'ils redeviennent fiers de ce qu'ils sont.
C., badin : Il faut que les noirs prennent la place des blancs ? Mais tu as une vision raciste des choses.
F. explose : Et ce qui s'est passé avant, ce que les blancs leur ont fait, c'est pas du racisme peut-être !?
Le chœur reprend les bonnes paroles.
C. : Deux injustices ne font pas une justice, je persiste.
F. : Quand on est assis sur un tas d'os, il faut pas s'étonner si un jour on se prend des coups dans la gueule.
C., soudain dépassé : Vraiment… tu penses vraiment que ce serait juste que ces jeunes qui n'ont rien fait payent pour leurs lointains ancêtres ? En tant que personne de gauche, attachée à la justice, tu dis que c'est normal que la justice collective ignore la responsabilité individuelle ?
F. : Ils ont rien, ils ont rien fait… il faut être conscient de la situation. Pourquoi ils ont tout, d'où leur vient toute cette richesse, tout ce pouvoir ? Leurs parents les ont volés ! Les matières premières, le fait qu'ils les traitaient comme des animaux, c'est pas vrai peut-être ?
C. : Si, sans doute. Mais eux ils héritent de ce que leur donnent leurs parents. Tu es chrétien maintenant ? Tu penses que la conscience personnelle doit remplacer les décisions politiques ? Si l'égalité de droit ne se traduit pas dans les faits, et bien, on redistribue. C'est la solution sociale, politique. Un vieux de truc de gauche, tu sais, quand ça existait encore, la gauche.
F. : C'est ce que je dis depuis tout à l'heure !
C. : Non, ta vision est raciale. Tu veux que les blancs payent pour les noirs, parce qu'ils ont beaucoup souffert.
F., vraiment excédé : Traite-moi de raciste, c'est ça !
F. éructe et s'éloigne de quelques pas pour s'en fumer une à l'écart. La jeune fille le prend à part et lui bredouille quelques paroles apaisantes. Quelques minutes se passent.
F. : Tu fais semblant de pas comprendre. Tu voudrais que je parle comme un universitaire, que les mots soient exactement les bons, on est bourrés, on discute comme ça.
C., conciliant : Non, pas du tout, je ne te demande pas ça, moi non plus je ne parle pas comme un universitaire. Je voudrais juste te comprendre. Tu dis que les blancs actuels doivent payer pour les crimes de leurs parents, pour moi c'est une injustice. Tu dis qu'il faut que les noirs reprennent ce qui leur appartient, des mains des blancs, par la violence au besoin, que c'est juste. Pour moi, c'est du racisme.
F., profondément vexé : D'accord, si tu veux je suis raciste. Je te dis que c'est un problème de conscience ; les blancs là-bas, ils font quoi en Afrique ? Ils se sont posé la question, non ? [soudain bouffon] Oh bein… Je suis blanc, tout le monde est noir ici, c'est bizarre non ?
Le chœur acquiesce, triomphant.
C., presque choqué : Mais… tu ne peux pas dire ça. Qu'est-ce que tu dirais si on tenait le même discours en Europe ? À Barbès, à Chapelle, tu as vu beaucoup de blancs ? [clameur de mécontentement] Qu'est-ce qu'ils font là, ils ne savent pas que l'Europe est un continent blanc, ils n'en ont pas pris conscience ? [le ton monte pour couvrir les lazzi] Il faut qu'ils en prennent conscience, là aussi c'est leur devoir. Il faut rendre aux Français ce qui leur appartient…
F., ulcéré : Arrête, arrête ! Ça n'a rien à voir ! On est pas envahi, on a été esclaves de personne ! L'esclavage, la colonisation, l'apartheid, ça existe non ? Donc maintenant il faut qu'on paye.
C., désespéré : On ne peut pas être pour la justice et dire ça. Parce que c'est de la bêtise pure. Mes parents n'ont rien, ils ne m'ont rien légué. Moi je ne suis responsable de rien, même pas de l'exploitation d'un français, sur des générations, il n'y a pas eu un patron, pas un esclavagiste, pas un colon dans ma famille aussi loin que je remonte. Et je devrais supporter ce mal qu'est la destruction de ma nation, de ma culture, parce que c'est la correction historique, la justice collective ? F., tu sais, une bonne idée de gauche pour toi : la culture, le bien commun, la patrie, c'est la seule chose dans une société à laquelle tout le monde a droit, et que les riches ne peuvent jamais tout à fait enlever aux pauvres. Tu veux remplacer une colonisation par une autre ici, et là-bas remplacer les élites blanches profiteuses par des élites noires profiteuses. Ce n'est pas de gauche et ce n'est pas de la justice. C'est de la bêtise, c'est du racisme.
F., dégoûté : Oui, c'est ça, c'est bien, pense ce que tu veux…
Le chœur soutient son héraut sur le mode du « ça n'en vaut pas la peine, il ne vaut même pas qu'on fasse l'effort de le dessiller ».
C. : Tu parles des blancs, des noirs, non seulement comme entité indifférenciée, mais même à travers l'Histoire ! Comme si les Néerlandais ne s'étaient pas fait virer par les Anglais là-bas, pendant la guerre des Boers ; comme si avant la colonisation, il n'y avait pas eu là-bas sans doute tout un paquet de tribus africaines qui se faisaient la guerre. Comme si les Africains, noirs ou Arabes, ne s'étaient pas entretués, et même réduits entre eux en esclavage ! C'est n'importe quoi. On me traite de raciste, je veux bien l'être, j'accepte le qualificatif. Mais ce discours, ton discours et celui de tous les Français qui ont honte de ce qu'ils sont, de « l'histoire odieuse de France », il est objectivement raciste, complètement raciste, et encore carrément hypocrite sur sa nature.
La discussion s'est à peu près achevée là. Finalement, la soirée s'est terminée dans un bar d'hôtel dont nous sommes des habitués, où avait lieu un bingo sur les coups de deux ou trois heures, pour la rupture du ramadan des cuistots du quartier, qui débauchent à cette heure. Où la vraie tolérance va se nicher…
Commentaires
"Où la vraie tolérance va se nicher ...."
Il y avait ces deux émissions vues sur la chaine parlementaire. Des vieux émigrés retraités devaient être relogés. Les uns habitant dans un taudis à Paris, les autres dans des baraquements dans le sud. Surement des anciens cuistots. Tous les acteurs sociaux se démenaient pour leur bien (en fait, ces "acteurs" voulaient que la France "paie" pour eux). Mais eux, ces arabes bosseurs qui en avaient chier, ne souhaitaient que deux trois choses : un meilleur chauffage, un peu plus de propre et qu'on leur foute la paix quand ils jouaient entre vieux copains en bout de course). La dignité de ces hommes était sans commune mesure avec l'acharnement thérapeutique de nos acteurs sociaux qui fonctionnaient à coups de pardon et de droits.....
J'avoue avoir pensé pendant quelques années que les histoires de repentance ne concernaient que les intellectuels de gauche. En réalité, depuis quelques mois, je constate que toutes les personnes qui se piquent d'avoir une conscience, fussent-elles par ailleurs intelligentes, tombent dans ce travers délirant.
Mamie nous a favorisé pendant l'héritage : il faut s'en vouloir et beaucoup aider nos cousins ; des mecs qui nous ressemblaient il y quelques centaines d'années sont partis indexer telle et telle zone géographique : il faut payer pour elles. On croirait lire la théorie du sacrifice de J. de Maistre – admirable par ailleurs – le châtiment des uns, fussent-ils innocents, contribue à réparer la faute des autres.
Que la bonne conscience antiraciste et anticatholique s'identifie au fond à une doctrine raciale en reprennant à son compte un mode de raisonnement quasi-théologique – je ne suis pas bien certain de J.d.M. ait à proprement parler fait œuvre pie – il y a là un abîme d'hypocrisie et de bêtise que je ne me risquerais pas à sonder à fond, de peur de ne pas savoir en revenir.
Il faut enfin surtout constater qu'à aucun moment ce prurit de conscience adolescent ne débouche sur une solution sérieuse: il s'agit toujours d'en rester à ce moment de délicieuse naïveté, et qui n'engage à rien d'autre qu'à dormir sur ses deux oreilles, pendant lequel la dénonciation, l'appel à la bonne conscience avec culpabilisation puis lavage de cerveau en réunion tiennent lieu de solution politique. C'est à ce niveau que se situe la gauche aujourd'hui ; il porte un nom : l'école élémentaire.
école maternelle plutôt, maternante même.